Kerala express


Madurai, Periyar, Alleppey, Cochin, 23-27/1.
On s’en souviendra de cette première nuit en Inde. Arrivés vers 23h à l’aéroport de Bangalore, nous faisions la connaissance de Tharani et de son chauffeur, Ranjith. Dans la voiture, une Tata Indigo, le boss de Tharani Tours se contorsionne sur le fauteuil passager et on peut lire la souffrance sur son visage. Les présentations faites, Tharani se confond en excuses mais il a une violente douleur dans toute la jambe qui l’empêche de conduire. Tous les 4, nous prenons immédiatement la route direction Madurai, première étape de notre visite en Inde. Après une quarantaine de km, notre blessé ne supporte plus la douleur et le chauffeur s’est mis en quête d’un “hôpital“. Il est près d’1h du matin sur les boulevards non éclairés que nous empruntons et Ranjith s’arrête à plusieurs reprises pour demander l’adresse de l’hôpital le plus proche. Les premiers étant fermés pour la nuit, ce n’est qu’au bout du 3ème que Tharani put trouver une consultation ouverte. Il s’excuse une nouvelle fois et nous explique qu’il va rester là pour la nuit nous laissant entre les mains de son chauffeur pour le reste du parcours ! Il nous rassure une dernière fois en rappelant les modalités convenues par email et on a repris la route vers le sud. Au moins ce petit épisode nous a permis de faire la connaissance “nocturne“ de la banlieue sud de Bangalore et de ses faubourgs. Le chauffeur roula presque toute la nuit en s’arrêtant seulement 2 ou 3 fois pour faire le plein ou se reposer quelques minutes.



Vers 9h, on arriva enfin à Madurai où l’on avait prévu de commencer les visites dans la foulée avec le Tirumalai Nayak Palace construit en 1636. La grande cour rectangulaire est magnifique dans le soleil du matin avec la partie supérieure des colonnes et les plafonds entièrement sculptés et peints en jaune et rouge. La salle de danse (Natakasala) juste à côté semble plus neutre car la lumière pénètre plus difficilement à travers les petites fenêtres mais l’ensemble est richement sculpté et très classe avec des colonnes vermillons, des arches blanches et le plafond crème.








Madurai qu’on ne connaissait évidemment pas avant d’ouvrir le Lonely Planet est fameux pour son temple de Sri Meenakshi, demeure de la déesse du même nom qui a la particularité physique de posséder 3 seins… et aussi des yeux de poissons ! Selon la légende, une prophétie lui prédisait que son 3ème sein disparaîtrait le jour où elle rencontrerait son époux. Ce qui se passa lorsqu’elle se maria avec Shiva. De l’extérieur, le temple du couple cosmique construit en 1560 en impose avec ses 12 gopuras sculptés de milliers de figurines colorées représentant dieux et démons. Cela nous rappelle immédiatement le petit temple Sri Mahamariamman perdu dans le quartier de Chinatown à Kuala Lumpur où l’on ne connaissait pas encore le terme gopura ! Ranjith nous trouva un guide qui nous emmena pour 2h de visite en anglais (200 roupies). Dès l’entrée du temple ma première frustration était de ne pas pouvoir emmener mon gros reflex “pour raisons de sécurité“ et j’ai dû me contenter de l’iPhone pour faire les quelques (mauvaises) photos prises à l’intérieur ! La deuxième mauvaise surprise est que les profanes n’ont pas le droit de rentrer dans le cœur du temple et l’on doit se contenter des corridors du sanctuaire. Mais quels corridors !! Les galeries aux plafonds colorées grouillent de touristes mais surtout de pèlerins qui rendent hommage à la statue de leur choix. Devant les plus populaires, notre guide s’arrêtera pour nous raconter leur fabuleuse histoire. Les légendes tamoules sont encore plus délirantes et capilotractées que les chinoises… Avant de sortir, on traversera la salle des 1000 colonnes dont l’allée centrale reprend les motifs des galeries et l’on peut voir de très belles statues en pierre des différentes divinités.









On a laissé notre guide sur le parking avant de prendre un thé avec notre chauffeur. Il nous emmena ensuite jusqu’au Gandhi Memorial Museum où l’on peut apercevoir le dhoti ensanglanté que portait le Mahatma le jour de son assassinat. Il est exposé à Madurai car c’est là, en 1921, qu’il prit la décision de ne porter rien d’autre. Le musée retrace toute sa vie depuis son enfance et l’on peut voir quelques objets et des livres lui ayant appartenu.


Le lendemain, cap sur l’ouest et la petite bourgade de Thekkady, porte d’entrée de la région du Kerala et du Periyar Wildlife Sanctuary, une réserve animalière de 777 km2 aménagée autour d’un lac artificiel créé par les Britanniques en 1895. On a attendu gentiment le dernier départ (15:30) pour optimiser nos chances de voir davantage d’animaux sortir des fourrés pour se rafraîchir au bord du lac. Du pont supérieur de notre bateau, il est bien sûr hors de question d’apercevoir le moindre tigre et nous devrons nous contenter d’éléphants, de bisons, de cormorans et d’autres oiseaux… Si vous avez déjà visité une réserve en Afrique, vous pouvez faire l’impasse sur ce sanctuaire qui, excepté une promenade paisible en bateau, n’a rien d’excitant en terme d’observation d’animaux dans leur milieu sauvage. Cela m’a au moins permis de sortir mon nouvel objectif et de “me faire la main“ avant notre visite au parc Kruger !










Le soir, on s’est laissé tenter par 2 spectacles traditionnels du Kerala. Le premier est une démonstration de Kalaripayat, un art martial ancestral qui se pratique dans une petite arène rectangulaire (kalari) orientée est-ouest. Dans les 4 coins, un combattant allume une mèche plongée dans une coupelle d’essence pour honorer les divinités hindoues. Le complexe est à la fois une école, un gymnasium et un temple où les élèves/disciples apprennent l’art du combat dont la gestuelle est une chorégraphie harmonieuse mélangeant force et agilité.




Le deuxième spectacle est très célèbre dans la région mais dans un genre tout à fait particulier… Le Kathakali est une sorte de théâtre dramatique où des “comédiens“ ultra-maquillés et habillés de costumes hallucinants jouent une histoire épique. Sous le son des tambours, les acteurs utilisent leur main et surtout une large palette d’expressions du visage pour raconter le récit au public. Au début, c’est marrant et les costumes sont vraiment magnifiques mais on a trouvé ça assez répétitif………… et finalement un peu chiant !! On avait assisté à un spectacle du genre lors de notre séjour au Sri Lanka et on était déjà loin d’être fan mais c’est désormais certain : nous n’aimons pas l’art dramatique traditionnel.



La matinée suivante, on a passé plus de 4h dans la “Tatamobile“ qui nous a mené à Alleppey. Il n’y avait que 140 km mais la route à travers les montagnes du Kerala est difficile et notre chauffeur a rarement atteint les 50 km/h. Mais quel panorama époustouflant sur ces routes qui serpentent au milieu des plantations de thé qui ressemblent à un tapis vert qu’on aurait déroulé sur les collines !




Dès notre arrivée dans la petite Venise du Kerala, Ranjith nous a laissé sur le parking du boat jetty pour embarquer à bord d’un houseboat. Pendant 24h, nous avions un bateau pour nous tout seul avec Mani à la barre et Baskar en cuisine. Les 2 compères nous ont accueilli avec une noix de coco en guise d’apéritif avant de nous emmener sur les backwaters d’où se dégage une atmosphère paisible et calme, à mille lieux du stress et des klaxons de la route du matin.  Assis confortablement dans nos fauteuils, on se contente de voir défiler le paysage et d’observer la vie aux bords de ses canaux. Des femmes font leur lessive, des hommes se lavent et les enfants jouent dans les arbres ou font tomber des noix de coco. Derrière les palmiers, l’on peut apercevoir les rizières et surprendre quelques chèvres qui nous fixent avec étonnement !









Après 1h de croisière, le bateau stoppe sur le bord du canal et Baskar nous invite à nous mettre à table sur laquelle on découvre notre copieux déjeuner qui aurait pu nourrir facilement 2 autres convives !! Après un grand tour sur le lac Vembanad, on a fait une halte sur les berges à l’entrée des backwaters où sont installées de petites échoppes. Il y a des épiceries mais surtout des marchands de poissons et de fruits de mer. On y trouve toutes sortes de poissons, des crabes mais surtout des tiger prawns magnifiques. Tellement belles qu’on a craqué et on en a acheté 1 kg pour que notre cuisinier nous les mitonne pour le dîner. On a poursuivi notre croisière sur les canaux et vers 16h, Baskar, craignant qu’on ne meure de faim (!!!), nous a servis un “petit“ goûter avec du chai et des beignets très consistants fourrés à la banane. Et on a continué ainsi notre ballade jusqu’au coucher du soleil, notre capitaine a accosté près d’une rizière jouxtant un village où l’on allait passer la nuit.
Le chef a fait mariner nos gambas qu’il nous a servies avec d’autres plats typiques du Kerala et la table était encore plus remplie qu’au déjeuner ! On s’est RE-GA-LE et encore une fois, il y en avait beaucoup trop !!! Après le dîner, nos 2 compères nous ont laissé pour rejoindre les gars des autres houseboat et on est resté seul dans notre petit salon à lire avec l’impression d’être sur NOTRE bateau, bercé par les vaguelettes des quelques petites embarcations de locaux qui progressaient lentement sous un ciel étoilé.






Pour notre dernière étape dans le Kerala central, on a repris la voiture et roulé jusqu’à Cochin et plus précisément le quartier-péninsule de Fort Cochin où Vasco de Gama a accosté il y a plus de 600 ans. Depuis Portuguais, Hollandais et Anglais se sont disputés cette porte d’entrée du sous-continent pour ouvrir leur route maritime vers les épices. Dès notre arrivée, on a visité le Mattancherry Palace construit en 1555 par les Portugais mais plus connu sous le nom de Dutch Palace depuis la rénovation des Néerlandais en 1663. L’architecture extérieure n’a rien d’impressionnant mais le principal intérêt est à l’intérieur, dans l’une des premières salles dont les murs sont couverts de fresques racontant les légendes de Ramayana et d’autres mythologies hindoues. Dans le hall central, on peut découvrir une galerie des maharajas de la région depuis 1864 dont certains n’ont pas régné très longtemps avant de rejoindre leurs ancêtres.


Juste à côté, on peut aller à pied à Jew Town et visiter la Synagogue. Notre chauffeur nous dégotte un guide baragouinant le français pour 100 roupies (1,25 €). Avec lui nous arpentons Jew Street et il nous explique qu’il n’y a plus que 4 maisons qui appartiennent à des Juifs. D’ailleurs, depuis la création d’Israël, toute la communauté est partie et aujourd’hui il ne reste que 7 personnes de cette confession dans la ville et seulement 34 dans tout le Kerala !!! La synagogue (où il est interdit de faire des photos) n’est pas très grande mais ne manque pas de charme avec 10 fenêtres pour représenter les 10 commandements. Sur le sol on marche (pieds nus) sur du carrelage chinois blanc avec des motifs bleus dont chacun est unique. Du plafond tombent des dizaines de larges lustres en verre de Belgique.





L’après-midi, la chaleur est étouffante et on attendra à l’hôtel la fin de l’après-midi pour visiter le quartier de Fort Cochin. On est passé devant la Basilique Santa Cruz dont l’édifice d’origine est sorti de terre en 1503 mais le bâtiment actuel a été construit en 1902. Le dimanche, on peut assister à une messe en Anglais !






En bifurquant, on tombe sur l’Eglise Saint Francis bâtie par des Franciscains portugais en 1503 et où fut enterré Vasco de Gama en 1524 avant que sa dépouille ne soit rapatriée 14 ans plus tard au Portugal.
Plus bas dans la rue se situe le Dutch Cemetery qui fait partie de l’église dont l’atmosphère calme et paisible contraste avec l’agitation de la rue. Ce petit cimetière près de la mer a été consacré en 1724 et à travers les barreaux du portail en fer rouillé, on peut distinguer les tombes abandonnées de soldats et de marchands hollandais.



En ce jour de fête nationale, on ira se mêler à la foule sur le front de mer pour observer les carrelets chinois, « symbole officieux des backwaters du Kerala », dixit le Lonely. Cela ressemble à une “grue“ en bois sur laquelle sont accrochés de larges filets de pêche. Ils ont été introduits en 1400 par des marchands chinois et sont utilisés à marée haute. Vu le nombre restreint d’installations encore en état, cette technique est délaissée pour d’autres moyens plus modernes… A leur pied, les pêcheurs vendent leurs poissons et fruits de mer dans de petites cahutes en bois pendant que d’autres se reposent dans des barques alignées sur la “plage“.



Juste à côté, sur la place principale, c’est un joyeux bordel où se mêlent des stands de bouffe, des chèvres et des marchands de meubles ou de chaussures. Tout ce petit monde observe un défilé de mobylettes conduites par des partisans d’un leader politique local.



Après la synagogue et la basilique catholique, notre tour s’est fini par la très belle Eglise orthodoxe Saint-Pierre et Saint-Paul dont les façades blanches rehaussées de bleu semblent anormalement sobres et discrètes par rapport aux autres bâtiments toujours très colorés !







Le lendemain matin, Ranjith était là à 9h pétantes (pour une fois !!) et avec la circulation cauchemardesque il a mis plus d’1h30 pour rejoindre l’aéroport de Cochin qui n’est qu’à 45 km de la pension où l’on logeait. Ainsi après ces quelques jours à se faire conduire de ville en ville, on a compris 2 choses : en Inde, les distances ne veulent rien dire et vaut mieux compter en heures qu’en km ; par ailleurs, nous étions bien contents d’avoir loué une voiture avec “chauffeur“ car même après une première expérience (réussie) sur les routes thaïlandaises, conduire ici peut causer de violents ulcères !! Quasiment personne ne se risque à dépasser les 90 km/h (rarement possible) car il faut le temps de freiner devant tout ce qui est susceptible de traverser la chaussée (vache, coq, tuk-tuk, camion-citerne…) ! Sans compter le vacarme incessant des klaxons,  notre chauffeur ne tenait pas plus de 30 secondes sans utiliser son avertisseur et je me suis sérieusement demandé s’il n’avait pas un “toc“ car dans certains cas (notamment à l’arrêt au feu), j’avais beaucoup de mal à en saisir la réelle nécessité !


On a remercié et salué notre gentil chauffeur qui peut désormais retrouver sa femme et son garçon de 4 ans en retournant à Madurai. Au revoir le Kerala, Goa nous voilà…

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